C’est LE sujet brûlant du moment, le bitcoin déjoue tous les pronostics. En moins d’un an, la mère des crypto-monnaies a progressé de plus de 1.000 % battant tous les records.
Le bitcoin semble n’avoir aucune limite, il dépasse d’ailleurs allègrement les 16’000 dollars aujourd’hui. Où cette envolée spectaculaire va-t-elle se finir ? Dans le mur, comme de nombreux spécialistes le prédisent ?
Seule certitude, chaque jour de nouveaux utilisateurs se tournent vers la crypto-monnaie. On compte à l’heure actuelle environ 20 millions d’investisseurs (30 nouveaux souscripteurs par seconde) et les volumes d’échanges ne cessent de croître.
D’un point de vue strictement financier, cet engouement s’explique entre autres par le fait que les actions des entreprises cotées en bourse sont aujourd’hui hors de prix, ce qui pousse certains investisseurs et épargnants à trouver d’autres produits financiers pour placer leurs avoirs.
Décryptage de cette « monnaie » mystérieuse et controversée…
Le bitcoin, mais également toutes les crypto-monnaies, présente les particularités de n’avoir aucune valeur intrinsèque (il est composé uniquement de matière numérique) ni cours légal, de n’être lié à aucune banque centrale et d’échapper au contrôle des États et des banques. Si certains experts qualifient cette anomalie de pur outil de spéculation, d’autres la voit comme une valeur refuge comparable à l’or (serait-ce en raison du processus de fabrication du bitcoin appelé « mining » ?).
De nombreuses personnalités critiquent également l’utilisation du bitcoin, lui reprochant d’être de par sa nature anonyme et son fonctionnement opaque, un instrument de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme. Les autorités tentent d’ailleurs d’endiguer ce phénomène.
Nous ne nous aventurerons pas ici à déterminer dans quelle catégorie le bitcoin peut être rangé (véritable monnaie ? actif financier ?). Il s’agit plutôt d’apporter ici un éclairage sur les raisons de cette folle envolée et sur les perspectives futures du bitcoin. Certaines personnalités comme John McAfee, créateur du logiciel du même nom, voient d’ailleurs la monnaie virtuelle à plus d’un million de dollars d’ici fin 2020.
Quid ?
Le problème fondamental est qu’il n’existe aucun modèle pour évaluer le prix du bitcoin. En effet, ce dernier ne se base sur aucune comptabilité, n’offre ni coupon ni dividende et n’est garanti par aucun bien tangible (à la différence de l’or) ou entité étatique. Certains experts excluent d’ailleurs que l’on puisse appliquer l’analyse fondamentale ou technique à la crypto-monnaie. En réalité, ce sont uniquement l’offre et la demande qui influencent la cotation du bitcoin.
Or, l’offre est limitée à 21 millions de bitcoins. En janvier 2018, 80% de la monnaie virtuelle aura été émise, ce qui implique que si la demande augmente, le prix peut potentiellement s’envoler sauf si les investisseurs décident de se tourner vers d’autres crypto-monnaies. L’accroissement de la demande pourrait justement provenir des banques qui recommanderaient un tel placement dans le portefeuille de leurs clients ou si les institutionnels décident d’entrer sur ce marché (sous réserves des contraintes règlementaires en rapport avec les risques encourus). En effet, à l’heure actuelle, le bitcoin n’est entre les mains que de quelques investisseurs privés, même si ces derniers mois un nombre conséquent de startups utilisant la technologie blockchain ont commencé à lever des fonds dans cette monnaie.
On pourrait donc être tenté de conclure que la demande en bitcoin risque de s’accroitre dans les prochains mois, exerçant une pression à la hausse sur son prix.
Toutefois, chiffre plus inquiétant, il semblerait que 1.000 personnes, appelées « bitcoin whales », détiendraient à elles seules 40% de cette monnaie.
Un achat ou une vente massive (à condition que le marché soit liquide, ce qui n’est manifestement pas le cas en l’état), pourrait conduire à une forte déstabilisation de la monnaie, encore plus si ces gros détenteurs de crypto-monnaies décidaient d’agir de concert. Au vu de l’absence de réglementation sur le bitcoin, rien ne peut exclure ce type de comportement. Prudence donc…
Au-delà de ces considérations spéculatives, nous pensons toutefois que c’est bel et bien la confiance qui est placée dans la monnaie virtuelle, acceptée en tant que moyen de paiement, qui sera déterminant pour fixer sa valeur dans le futur.
On pourrait être tenté de faire un raccourci en disant que cela revient à évaluer la fiabilité de la technologie de la blockchain, technologie complexe et difficile à appréhender. Il est évident qu’une faille sérieuse dans la sécurité de la blockchain porterait un coup fatal au bitcoin. Une telle faille n’est toutefois pas avérée car le bitcoin n’a pour l’instant ni été imité ni falsifié à la différence des portefeuilles de crypto-monnaies qui sont régulièrement attaqués par les hackers.
De notre point de vue, la question est ailleurs. Il ne s’agit pas de savoir si la technologie à la base du bitcoin marquera l’histoire mais plutôt si le bitcoin lui-même peut être utilisé comme moyen de paiement au quotidien à grande échelle. Force est de reconnaitre qu’en l’état la réponse est négative.
Avec 7 transactions par seconde contre plus de 56’000 au maximum pour les cartes bancaires (Visa par exemple), il ne faut pas espérer payer son café en bitcoins demain.
Par ailleurs, la volatilité hors-norme que traverse cette monnaie actuellement (les fluctuations des cours peuvent allégrement atteindre les 10% en une seule journée) la rend inutilisable pour les entreprises et n’incite pas à la confiance des consommateurs.
Le prix du bitcoin est par essence trop volatil en l’état pour assurer une fonction d’échange ou d’unité de mesure. Qui souhaiterait aujourd’hui payer, être payé ou s’endetter dans une monnaie dont la valeur est totalement incertaine ? Les monnaies ont par nature besoin de stabilité pour assurer leurs fonctions.
Les frais de transactions explosent également. En effet, pour sécuriser et valider chaque paiement, des machines extrêmement puissantes et énergivores doivent résoudre un calcul mathématique. Cette opération (le minage) nécessite de gros investissements qui sont répercutés sur le consommateur.
De même, on relèvera que le bitcoin est vulnérable face à la concurrence d’autres monnaies virtuelles dans la mesure où il n’y a aucune barrière à l’entrée du marché. Il en existe d’ailleurs aujourd’hui près de 1’000 sortes à travers le monde et il suffit de quelques minutes pour créer un nouvel instrument de paiement de ce type.
Aussi, d’après les chiffres de novembre dernier le bitcoin ne représentait plus que 60% des crypto-monnaies en circulation contre 90% au début de l’année 2017. Certains le considèrent déjà comme dépassé.
Il conviendra de voir enfin comment les banques centrales appréhenderont les monnaies virtuelles dans le futur. En l’état, elles semblent plutôt extrêmement réticentes et il est peu probable qu’elles acceptent d’utiliser le bitcoin comme unité de réserve dans un proche avenir. Certains États, dont la Chine, ont d’ailleurs interdit purement et simplement le bitcoin.
Paradoxalement, la légitimité du bitcoin semble se renforcer et il pourrait être en passe d’être reconnu comme un actif financier parmi d’autres. Ainsi, la semaine dernière, Goldman Sachs annonçait être disposée à fournir des services de compensation à ses clients sur les gros contrats à termes. Dimanche soir, le bitcoin a fait un démarrage prometteur sur le Chicago board options exchange (Cboe). Le Chicago Mercantile Exchange (CME Group) va d’ailleurs également lancer des contrats à termes le 18 décembre prochain et il devrait être suivi en 2018 par le Nasdaq.
Les défenseurs du bitcoin envisagent même de demander à la SEC d’autoriser la création d’un ETF en bitcoin, ce qui a toujours été refusé en l’état, en raison de l’absence de régulation, du manque de transparence dans la fixation du prix et du risque de manipulation.
C’est donc bel et bien le chaud et le froid qui souffle sur la mère des monnaies virtuelles et il est très difficile de se faire une opinion véritablement tranchée en la matière.
Nous pensons quand même que le bitcoin reste un actif purement spéculatif qui ne repose sur aucun fondement solide. Sa hausse exceptionnelle ne correspond à aucune donnée fondamentale de marché. L’explosion de la demande tient aujourd’hui uniquement au fait que les investisseurs qui achètent du bitcoin espèrent que sa valeur sera supérieure dans le futur, poussant ainsi le prix à la hausse.
Ainsi, personne ne veut passer à côté du placement le plus rentable de l’année de peur de manquer une opportunité, même pas la grand-mère.
En résumé, plus le prix du bitcoin est haut plus les gens veulent y prendre part ! Une véritable bulle se profile à l’horizon.
Une correction importante des cours sera ainsi inéluctable. Reste à déterminer quand cette bulle explosera et d’ici là pourquoi ne pas en profiter à condition de ne pas se brûler les ailes.
En l’état, le potentiel de hausse du bitcoin paraît supérieur aux risques encourus. Un bitcoin à 30’000 dollars n’est pas inimaginable et peut même paraître plausible surtout si de nouveaux acteurs décident de faire leur entrée sur le marché de la crypto-monnaie en 2018.
Une question fondamentale reste encore à élucider : existe-t-il un risque systémique en cas de correction brutale ?
Nous répondrons par la négative : la probabilité d’assister à un phénomène de contagion ou de panique sur les marchés est faible en l’état si le bitcoin venait à s’écraser. En effet, les vecteurs de transmission des risques systémiques sont généralement produits par les banques. Or, comme l’a dit Benoit Coeuré de la BCE, le bitcoin est un actif financier encore peu présent dans les bilans de celles-ci et dont la valeur totale n’est pas comparable à la crise des subprimes de 2008. Demeure toutefois l’inconnue du lancement des produits dérivés du bitcoin sur les opérateurs boursiers américains qui pourraient engendrer un fort effet de levier. Dans cette hypothèse la donne pourrait véritablement changer.
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