L’Administration fédérale des contributions (AFC) a publié fin juillet une nouvelle circulaire précisant les conditions d’application du régime d’imposition d’après la dépense en Suisse (forfait fiscal). Celle-ci fait suite à une modification législative de 2012, entrée en vigueur en 2016, et qui conduit à un durcissement du régime dès le 1er janvier 2021 après l’écoulement d’une période transitoire de 5 ans. Ainsi, les personnes physiques qui étaient déjà imposées au forfait fiscal au 1er janvier 2016 selon l’ancien droit, peuvent continuer d’être soumis au même régime jusqu’au 31 décembre 2020.

Pour rappel, le forfait fiscal permet (ce n’est pas obligatoire !) à une personne physique d’être imposées selon la dépense au lieu de verser l’impôt sur le revenu, si elle remplit les conditions suivantes (article 14 LIFD) :

a. ne pas avoir la nationalité suisse ;
b. être assujetties à titre illimité pour la première fois ou après une absence d’au moins dix ans ;
c. ne pas exercer d’activité lucrative en Suisse.

Si ce régime ne constitue pas un cas de taxation par appréciation (130 al. 2 LIFD), ni un arrangement ou un accord entre le fisc et le contribuable, il n’en demeure pas moins que les autorités disposent d’une large marge de manœuvre. Afin d’uniformiser la pratique, l’AFC a donc décider de publier une nouvelle circulaire, étant précisé qu’une partie de la matière se trouve, outre dans la loi (LIFD ; RS 642.11) dans une nouvelle ordonnance du 20 février 2013 (RS 642.123).

Voici les principales modifications :

– Afin de pouvoir bénéficier du forfait fiscal, il faut être étranger. Les doubles nationaux, de même que les étrangers mariés avec un(e) Suisse(sse) et faisant ménage commun avec lui(elle) sont d’emblée exclus. Une personne naturalisée suisse verra son forfait fiscal révoqué et sera soumise à l’imposition ordinaire pour l’ensemble de la période fiscale durant laquelle elle a obtenu la nationalité suisse. L’ancien régime qui permettait à un national suisse remplissant les autres conditions du forfait fiscal de bénéficier de ce régime pendant l’année de son retour au pays n’est plus admis.

– Est exclu du forfait fiscal, toute personne pratiquant en Suisse (uniquement, une activité lucrative à l’étranger est admise) une profession principale ou accessoire de quelque genre que ce soit et en retirant, en Suisse ou à l’étranger, des revenus (l’exercice d’une activité lucrative en Suisse par le conjoint entraine la perte du forfait fiscal pour les deux). Cela pose notamment des problèmes pour les artistes (lieu de composition d’une œuvre ?), les sportifs, les membres de conseils d’administration et même ceux qui gèrent leur propre fortune de manière professionnelle depuis la Suisse (notion large admise par le Tribunal fédéral).

– Les diplomates, les fonctionnaires des organisations internationales, etc. à la retraite ne peuvent pas non plus bénéficier du régime favorable s’ils étaient auparavant domiciliés ou en séjour en Suisse. En effet, pour prétendre au forfait fiscal, il faut être assujetti illimité (par opposition à l’assujettissement limité) pour la première fois en Suisse ou après une absence de dix ans (y compris le conjoint). En revanche, la personne qui était précédemment imposée d’après la dépense lors de son départ de Suisse et qui y retourne peut à nouveau être imposée selon la dépense, indépendamment du délai de dix ans précité. Celui qui a renoncé au forfait fiscal ne plus toutefois plus y recourir par la suite.

– L’impôt est calculé en premier lieu en fonction des frais annuels (nouvelle précision rédactionnelle), en Suisse et à l’étranger (fin d’une controverse), occasionnés, pendant la période de calcul, par le train de vie du contribuable et des personnes à sa charge (en remplacement du terme « de sa famille ») vivant en Suisse et à l’étranger (nouveau et contestable) (principe dit de de la « dépense universelle »).

Font notamment partie des frais afférents au train de vie du contribuable :
o les frais de nourriture et d’habillement ;
o les frais de logement, y compris les frais de chauffage, de nettoyage, d’entretien de jardins, etc. ;
o les impôts et les contributions versées aux assurances sociales ;
o les charges totales pour le personnel (prestations en espèces et en nature) attaché au service du contribuable ;
o les contributions d’entretien et les pensions alimentaires ;
o les dépenses pour la formation, y compris les frais de scolarité des enfants à l’étranger, les loisirs, le sport, etc. ;
o les dépenses pour les voyages, les vacances, les activités sportives et autres divertissements, les cures, etc. ;
o les frais d’entretien d’animaux domestiques coûteux (chevaux de selle, etc.) ;
o les frais d’entretien et d’utilisation d’automobiles, de bateaux à moteur, de yachts, d’avions, etc.

Les frais extraordinaires et non périodiques, comme par exemple une donation d’une partie conséquente de sa fortune, ne sont en principe pas considérés comme des frais d’entretien du contribuable ou de sa famille.

Le montant imposable est déterminé pour chaque période fiscale et un calcul de contrôle est effectué (voir ci-dessous). Sauf exception (à savoir les frais d’entretien relatifs aux immeubles privés et les frais usuels d’administration des capitaux mobiliers pour autant que leur rendement soit imposé), aucune déduction n’est admise dans le calcul de contrôle.

– Comme auparavant, la loi et la circulaire fixent des seuils minimaux d’imposition pour le forfait fiscal. Ceux-ci ont toutefois été relevés, étant précisé qu’il convient de retenir le montant le plus élevé suivant : un plancher de CHF 400’000 a en tout état de cause été défini pour l’impôt fédéral direct (ce montant est adapté chaque année en fonction de l’indice suisse des prix à la consommation) ; Pour les contribuables chefs de ménage, sept fois le loyer annuel (sans les frais de chauffage et selon le principe du « fair price ») ou la valeur locative (en cas de pluralité d’immeubles, la valeur locative la plus élevée est retenue, ce qui est contestable) ; Pour les autres contribuables, trois fois le prix de la pension annuelle pour le logement, la nourriture et les boissons au lieu du domicile (y compris les hôtels, les pensions, etc.) ; La somme des revenus (pas les gains en capitaux) bruts de source suisse (« parmi » ceux-là, la circulaire énonce (liste exhaustive ? les gains de loterie doivent-ils être inclus par exemple ?) les immeubles et objets mobiliers se trouvant en Suisse, les capitaux mobiliers (actions, obligations, bons de jouissance, parts de placements collectifs, créances, etc.) placés en Suisse, les revenus provenant de droits d’auteur, de brevets et d’autres droits semblables exploités en Suisse ainsi que les retraites, rentes et pensions de source suisse) et les revenus bruts de source étrangère pour lesquels le contribuable requiert un dégrèvement partiel ou total d’impôts étrangers en application d’une convention contre les doubles impositions conclue par la Suisse (on parle de calcul de contrôle).

Les seuils fixés ci-dessus ne représentent qu’un minimum et sont applicables dès qu’ils sont supérieurs à la dépense universelle arrêtée. L’impôt est finalement calculé d’après le barème de l’impôt ordinaire en fonction de la situation personnelle du contribuable (le revenu du contribuable qui n’entre pas dans le champ d’application de la déclaration de contrôle n’est toutefois pas pris en compte pour la fixation du taux).

Au niveau du calcul de contrôle, la circulaire apporte une clarification quant aux termes « capitaux mobiliers placés en Suisse » : en effet, selon le texte de cette dernière, il faut entendre en cas de droits de créance, que le domicile ou le siège du débiteur se trouve en Suisse ; En cas de droits de participation, que le lieu du siège de la société de capitaux ou de la société coopérative à laquelle participe le contribuable imposé au forfait fiscal se situe en Suisse.

Le lieu, en Suisse ou à l’étranger, où sont conservés ces droits de participation ou de créance, de même que la devise dans laquelle ils sont libellés ne sont pas déterminants. Ainsi, des actions de sociétés suisses représentent des capitaux mobiliers placés en Suisse, même s’ils sont déposés auprès d’une banque à l’étranger. Il en va de même des liquidités (peu importe la monnaie) déposées auprès d’une banque en Suisse. A l’inverse, des actions de sociétés étrangères ne sont pas des capitaux mobiliers placés en Suisse, même si les titres sont déposés auprès d’une banque en Suisse.

– Avant toute taxation au forfait fiscal, l’autorité de taxation s’assurera que le contribuable remplit les conditions requises et pour ce faire, qu’il a fourni toutes les indications et les preuves exigées de lui. Il appartient au contribuable de transmettre spontanément et immédiatement à l’autorité fiscale compétente tout élément factuel susceptible d’impacter le droit ou les conditions d’application de l’imposition selon la dépense. Lorsque le contribuable a donné de fausses indications, une procédure pour soustraction ou pour tentative de soustraction d’impôt pourra être ouverte contre lui, comme pour l’impôt ordinaire sur le revenu. Le contribuable peut aussi être puni pour inobservation de prescriptions d’ordre.

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