AVANT-PROPOS
Le secteur financier suisse est actuellement concerné par de nombreux projets de réglementation tant au niveau national qu’international. Il est difficile de garder une vue d’ensemble même pour le juriste averti. A l’interne, la Suisse apporte les dernières modifications à son paquet législatif de loi sur les services financiers et de loi sur les établissements financiers (LSFin/LEFin), qui devrait selon toute vraisemblance entrer en vigueur en 2020. Nous proposons d’aborder dans cette newsletter l’impact de la nouvelle Directive européenne concernant les instruments financiers (MiFID II) sur les gérants de fortune établis en Suisse. En effet, bien qu’il s’agisse là de droit européen, la portée de ce texte ne doit pas être sous-estimée et les prestataires financiers seraient bien inspirés d’analyser les conséquences sur leurs modèles d’affaires respectifs, et cas échéant de prendre les mesures nécessaires. On ajoutera ici que l’impact est différent pour chaque établissement en fonction de sa taille, de la localisation de sa clientèle, du modèle d’affaires et des services proposés.
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1. INTRODUCTION
La nouvelle Directive européenne (2014/65/UE du 15 mai 2014) régissant les marchés d’instruments financiers, communément appelée directive MiFID II, est entrée en vigueur le 3 janvier 2018 dans l’Espace économique européen.Ce texte a pour but de renforcer la transparence des marchés et la protection des investisseurs. Il garantit au client, en fonction de sa classification selon MiFID II, l’accès à certaines informations relatives aux services offerts, à l’organisation de l’entreprise d’investissement (banque, gestionnaire, etc.) et aux contrats conclus.
Or, la Suisse n’est ni membre de l’Union européenne ni de l’Espace économique européen. En raison du principe de territorialité, les gestionnaires de fortune basés en Suisse n’ont pas à se soumettre à MiFID II. Vraiment ?
C’est à cette question que nous allons répondre dans un premier temps avant de passer en revue les différentes obligations qu’impose la Directive, pour enfin aborder la problématique de l’opportunité d’adopter MiFID II en Suisse.
A titre préliminaire, on relèvera que MiFID II prévoit une classification de la clientèle en deux grandes catégories, soit les clients privés/de détail (classification par défaut offrant le niveau de protection le plus élevé) et ceux professionnels (banques, assurances, organismes de placements collectifs de capitaux, etc.). Selon la catégorie, le niveau de protection règlementaire est adapté en fonction de l’expérience et des connaissances financières du client. A noter qu’un client privé/de détail peut renoncer à la protection maximale prévue par MiFID II et demander à être traité comme un client professionnel. Des conditions minimales (nombre de transactions effectuées par le passé, valeurs seuils du portefeuille, connaissances et expérience du client, etc.) doivent toutefois être remplies.
2. LE CHAMP D’APPLICATION TERRITORIAL DE MIFID II
A. Le régime d’autorisation
MiFID II s’applique aux entreprises d’investissement établies sur le territoire de l’Espace économique européen. La fourniture de services d’investissement et/ou l’exercice d’activités d’investissement à titre professionnel sont soumis à l’exigence d’un agrément délivré par les États membres.
En d’autres termes, un gestionnaire de fortune établi sur le territoire de l’Union européenne doit préalablement solliciter une autorisation d’exercer auprès des autorités compétentes et conformément à la législation interne de l’État membre à partir duquel il entend déployer son activité. L’agrément est valable sur tout le territoire de l’Union.
Quid des prestataires de services financiers situés en Suisse ? La réponse n’est pas simple.
En effet, selon l’article 39 § 1 MiFID II, un État membre peut exiger d’une entreprise d’un pays tiers qui compte fournir des services d’investissement ou exercer des activités d’investissement destinés à des clients de détail ou à des clients professionnels sur son territoire, qu’elle établisse une succursale dans cet État.
La question centrale est celle de savoir à partir de quand un gérant de fortune suisse est-il considéré comme fournissant des services/activités d’investissement dans l’Union européenne ? La Directive est silencieuse et ne contient aucun critère. Il convient dès lors de se référer au droit applicable dans le pays considéré. Or, cette situation fait ressurgir l’épineuse problématique des activités transfrontalières (cross-border activity).
Ainsi, par exemple en Italie le critère déterminant pour apprécier si une autorisation est nécessaire n’est pas le lieu où est effectué matériellement la prestation de services financiers (par exemple en Suisse) mais en amont, soit l’endroit où l’intermédiaire financier est à la recherche de ses « cibles », en procédant à des activités publicitaires, à de la recherche de clients, de la prospection et à la signature des contrats.
Aussi, en Italie le démarchage actif d’un prospect sans autorisation sur le territoire national est interdit, y compris par voie de communication transfrontalière (envoi d’emails ou de brochures depuis la Suisse sans sollicitation du prospect lui-même par exemple). Il en va de même de la négociation et de la signature de contrats sur le territoire italien. En revanche, la distribution de cartes de visite à la demande du prospect est licite. L’envoi ou la distribution de cadeaux logotés aux clients (mais non aux prospects) est aussi autorisé.
Il ressort de ce qui précède que les principes régissant les activités transfrontalières sont très compliqués (et contiennent de nombreux pièges) et il convient d’examiner dans le détail la législation nationale des États membres.
Le gestionnaire qui ne se conforme pas à ces règles encourt dans le pays des risques pénaux (amende ou peine privative de liberté), civils (annulation des contrats), fiscaux (assujettissement à la TVA, règles sur les établissements stables) et réputationnels (publication sur le site Internet du régulateur, dans la presse, etc.). En outre, la FINMA est également généralement informée.
Faut-il en conclure qu’un gestionnaire de fortune suisse ne peut pas posséder de clients situés sur le territoire de l’Union sans autorisation ? La réponse est non.
En effet, l’article 42 MiFID II prévoit que les États membres veillent à ce que, lorsqu’un client individuel ou un client professionnel établi ou se trouvant dans l’Union déclenche sur sa seule initiative la fourniture d’un service d’investissement par une entreprise d’un pays tiers, l’obligation de disposer de l’agrément ne s’applique pas à la fourniture de ce service à cette personne. On parle sollicitation passive (reverse solicitation) dans cette hypothèse.
Un service est considéré comme fourni à l’initiative d’un client, sauf si celui-ci n’en fait la demande à la suite d’une communication personnalisée qui lui a été transmise par l’entreprise ou en son nom et qui l’invite ou tente de l’inviter à s’intéresser à un instrument financier ou à une transaction donnée.
Un service peut être considéré comme fourni à l’initiative du client même si celui-ci en fait la demande à la suite d’une quelconque communication contenant une promotion ou une offre portant sur des instruments financiers, faite par tout moyen et qui, de par sa nature même, a un caractère général et s’adresse au public ou à un groupe ou une catégorie plus large de clients ou de clients potentiels.
En revanche, l’initiative de ces clients ne donne pas droit à l’entreprise de pays tiers de commercialiser de nouvelles catégories de produits ou de services d’investissement à ces clients par d’autres intermédiaires que la succursale, lorsque le droit national impose son établissement.
Il ressort de ce qui précède que la sollicitation passive constitue le « safe harbour » pour le gestionnaire de fortune suisse qui n’entend pas être soumis au régime d’autorisation de MiFID II. La définition de ce terme est toutefois floue et le gestionnaire sera bien inspiré d’adopter une position très conservatrice dans ses activités de marketing surtout à l’ère du numérique. En tous les cas, toute nouvelle relation d’affaires fondée sur une sollicitation passive devrait être proprement documentée.
« LES GESTIONNAIRES DE FORTUNE ÉTABLIS EN SUISSE ET DISPOSANT D’UNE CLIENTÈLE RÉSIDENTE SUR LE TERRITOIRE DE L’UNION EUROPÉENNE NE SONT PAS IPSO FACTO SOUMIS AU RÉGIME D’AUTORISATION DE MIFID II. LE GESTIONNAIRE DEVRA TOUTEFOIS PRÊTER UNE ATTENTION PARTICULIÈRE AUX DISPOSITIONS INTERNES DES ÉTATS MEMBRES AFIN DE NE PAS TOMBER SOUS LE COUP D’UNE ACTIVITÉ TRANSFRONTALIÈRE.
L’ÉTABLISSEMENT D’UNE RELATION D’AFFAIRES À L’INITIATIVE D’UN CLIENT N’EST PAS SOUMIS À AUTORISATION. EN REVANCHE, LA NOTION DE SOLLICITATION PASSIVE ÉTANT INCERTAINE ET FLUCTUANTE, LE GESTIONNAIRE DEVRA ADOPTER UNE APPROCHE TRÈS RESTRICTIVE DANS SES STRATÉGIES DE MARKETING, EN PARTICULIER SUR INTERNET. AINSI, IL DEVRAIT SE LIMITER À DES OFFRES GÉNÉRALES ET NE PAS CIBLER SES SERVICES À DES MARCHÉS EN PARTICULIER (PAR EXEMPLE DES SERVICES DESTINÉS À LA CLIENTÈLE FRANÇAISE). »
B. La Convention de Lugano et le Règlement de Rome I
L’analyse ne peut toutefois s’arrêter à ce qui a été dit ci-dessus. En effet, la Convention concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale du 30 octobre 2007 (Convention de Lugano, CL ; RS : 0.275.12), dont la Suisse est partie, prévoit aux articles 15 et 16 qu’en matière de contrats conclus par des consommateurs, les tribunaux compétents sont celui du domicile du consommateur si le fournisseur (le gestionnaire en l’espèce) exerce des activités commerciales ou professionnelles dans cet État ou si, par tout moyen, il dirige ces activités vers cet État (pour être exact, le consommateur dispose du choix d’intenter son action soit au for du défendeur, soit à son propre domicile ; Le professionnel lui, ne peut intenter une action qu’au domicile du consommateur). Le for du consommateur est une exception au principe général de la garantie du juge du domicile (article 2 CL), selon lequel le défendeur doit être attrait devant les juridictions compétentes de l’État dans lequel il est domicilié. L’idée ici est de protéger la partie la plus faible et la moins expérimentée que son cocontractant. Pour que ces dispositions soient applicables, il faut encore que le contrat entre dans le cadre des activités du professionnel.
En règle générale, le client d’un gestionnaire de fortune sera considéré comme un consommateur au sens de l’article 15 CL, dans la mesure où le contrat de fourniture d’un service d’investissement est conclu par « une personne pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle ». Le critère décisif est celui de l’usage privé ou professionnel du service qui fait l’objet du contrat. Le mandat de gestion ou de conseil sera lui considéré comme un contrat de consommation. A noter que le consommateur doit nécessairement être une personne physique, ce qui exclut les sociétés, les trusts, etc.
La question délicate est celle de déterminer quand un gestionnaire « dirige » ses activités professionnelles ou commerciales vers le pays du consommateur. La Convention ne contient aucune définition mais on peut certainement considérer cette condition comme remplie si le fournisseur, sans avoir constitué un véritable établissement stable dans ce pays, y a mis sur pied un réseau de « distribution » avec des représentants, des agents, ou s’il offre ses services par le biais d’actes de publicité (envoi de de brochures, d’emails, publication d’annonces dans les médias, etc.). En revanche, le lieu de la conclusion du contrat n’est pas relevant pour la CL.
Un célèbre arrêt a d’ailleurs été rendu à ce propos par l’Oberlandesgerich de Stuttgart le 27 avril 2015 dans l’affaire Erwin Müller c/ J. Safra Sarasin SA. Le Tribunal a jugé que le collaborateur de la banque s’était déplacé en Allemagne et que l’organisation structurelle de la banque était orientée vers ce pays, d’où l’application des règles de la CL sur le for du consommateur. La fortune et l’expérience très importante du consommateur n’ont eu aucun impact.
Ces règles posent des problèmes particuliers notamment en matière de sites Internet. La Cour de justice de l’Union européenne s’est d’ailleurs penchée sur la question dans un arrêt de 2010 (Pammer/Hotel Alpenhof, C-585/08).
Selon cet arrêt, il ressort en premier lieu que la simple accessibilité du site Internet du professionnel dans un État autre que celui dans lequel il est établi ne suffit pas pour admettre que le professionnel dirige son activité vers cet État. En revanche, constitueront des indices que le professionnel entend cibler un ou plusieurs États, la mention expresse de ces pays sur le site Internet, l’utilisation d’un nom de domaine autre que celui de l’État où le fournisseur est établi (par exemple .it, .fr ou .com pour une société suisse au lieu du .ch,), la langue (la Suisse dispose de 3 langues nationales et l’anglais peut être considéré comme une langue internationale) et la monnaie utilisée (par exemple l’euro), la mention de coordonnées avec un préfixe international (discutable au vu de la pratique générale), la description d’itinéraires à partir de l’étranger, les témoignages de clients établis à l’étranger ou encore l’inscription sur des annuaires étrangers.
Si les critères mentionnés ci-dessus sont remplis pour un pays de l’Union européenne donné, la compétence des tribunaux du domicile du consommateur sera admise. Ainsi, un gestionnaire de fortune basé en Suisse pourra être attrait devant les tribunaux du domicile de son client (en Italie par exemple), même si le contrat prévoit une élection de for en Suisse.
Or, en vertu de l’article 6 du Règlement (CE) no 593/2008 (Règlement de Rome I), les tribunaux locaux appliqueront la loi du pays où le consommateur a sa résidence habituelle, soit en l’espèce MiFID II. Une élection de droit suisse dans le contrat serait sans effet (article 6 § 2 in fine).
« CONTRAIREMENT À CE QU’ONT PU AFFIRMER CERTAINES BANQUES, MIFID II NE SAURAIT S’APPLIQUER D’OFFICE AUX GESTIONNAIRES DE FORTUNE SUISSES DISPOSANT DE CLIENTS RÉSIDANT SUR LE TERRITOIRE DE L’UNION EUROPÉENNE.
LE GÉRANT NE SERA SOUMIS À LA DIRECTIVE QUE S’IL « DIRIGE » SON ACTIVITÉ VERS L’UN OU L’AUTRE DES ÉTATS MEMBRES. DANS LA PLUPART DES CAS, LES CRITÈRES D’APPRÉCIATION SE RECOUPERONT AVEC CEUX RELATIFS AUX ACTIVITÉS TRANSFRONTALIÈRES SI BIEN QUE LE GESTIONNAIRE QUI OFFRE DES SERVICES FINANCIERS VERS L’UNION EUROPÉENNE S’EXPOSERA À DE LOURDES SANCTIONS S’IL NE DISPOSE PAS DE L’AGRÉMENT NÉCESSAIRE. DANS CETTE HYPOTHÈSE, L’EXERCICE D’UNE ACTIVITÉ FINANCIÈRE SANS AUTORISATION APPARAÎTRA AUX YEUX DU GESTIONNAIRE COMME BIEN PLUS PRÉOCCUPANTE QUE LA SIMPLE APPLICATION DES RÈGLES DE FOND DE MIFID II À SA RELATION AVEC LE CLIENT.
AU FINAL, SI LE GESTIONNAIRE PARVIENT À LA CONCLUSION QU’IL N’EXERCE PAS D’ACTIVITÉS TRANSFRONTALIÈRES SOUMISES À AUTORISATION (SOLLICITATION PASSIVE UNIQUEMENT PAR EXEMPLE), MIFID II NE DEVRAIT EN PRINCIPE PAS S’APPLIQUER (Y COMPRIS VIA UNE APPLICATION « INDIRECTE » DE LA CL ET DU RÈGLEMENT DE ROME I), MÊME SI LE CLIENT EST DOMICILIÉ SUR LE TERRITOIRE DE L’UNION. »
3. LE CONTENU DE MIFID II
Ne rompant pas avec la tradition du droit européen, les quelques 148 pages de la Directive et 528 pages des règlements délégués sont prolixes et parfois illisibles. Il faut dire que les fonctionnaires de Bruxelles se sont donnés de la peine afin de mettre en place une véritable « usine à gaz ».
La Directive et ses règlements se perdent parfois dans des détails qui relèvent presque de l’absurde.
Ainsi par exemple, l’article 44 § 2 let. c) du Règlement 2017/565 stipule que les entreprises d’investissement veillent à ce que « lorsque les informations mentionnent les risques pertinents, cette mention utilise une police d’une taille au moins égale à celle employée de manière prédominante dans les informations communiquées et la mise en page met cette mention en évidence ».
Certaines dispositions sont aussi pratiquement incompréhensibles.
Ainsi, l’article 50 § 10 du Règlement 2017/565 prévoit que :
« Les entreprises d’investissement fournissent à leurs clients une illustration présentant l’effet cumulatif des coûts sur le rendement lorsqu’elles fournissent des services d’investissement. Une telle illustration est communiquée sur une base ex-ante et sur une base ex-post. Les entreprises d’investissement veillent à ce que l’illustration respecte les exigences suivantes :
a) l’illustration montre l’effet de l’ensemble des coûts et frais sur le rendement de l’investissement ;
b) l’illustration montre tout pic ou toute fluctuation attendue des coûts ; et
c) l’illustration s’accompagne d’une description de l’illustration. »
Au-delà de ces quelques considérations qui peuvent prêter à sourire, le gestionnaire possède envers le client/prospect de très nombreux devoirs d’informations, y compris précontractuels.
Ainsi, il devra d’une manière générale communiquer en temps utile des informations qui concernent son entreprise et ses services, les instruments financiers et les stratégies d’investissement qu’il propose, les plates-formes d’exécution et tous les coûts et les frais liés (article 24 § 4 MiFID II). Dans le détail :
Informations générales à fournir (articles 45 et 47 du Règlement 2017/565)
– La catégorie d’investisseur à laquelle appartient le client (client de détail, client professionnel ou contrepartie éligible) et les limites de protection en cas de changement volontaire de catégorisation ;
– Les langues et les modes de communications entre les parties ;
– Le statut règlementaire de l’entreprise ;
– La nature, la fréquence et les dates du reporting des performances ;
– Une description de la politique suivie par l’entreprise en matière de conflits d’intérêts ;
– L’enregistrement obligatoire des conversations téléphoniques et des communications électroniques (également du droit d’accès du client).
Gestion du portefeuille (article 47 § 3 du Règlement 2017/565)
– Informations sur la méthode et la fréquence de valorisation des instruments financiers du portefeuille du client ;
– Détails sur la délégation de la gestion ;
– Indication des valeurs de référence auxquelles seront comparées les performances du portefeuille du client ;
– Types d’instruments financiers utilisés et types de transactions envisagées, y compris avec les limites ;
– Objectifs de gestion et niveau des risques.
Instruments financiers (article 48 du Règlement 2017/565)
– Description générale de la nature et des risques (effet de levier, volatilité, du prix, illiquidité, etc.) des instruments financiers en tenant notamment compte de la catégorisation du client, y compris le fonctionnement et les performances de l’instrument financier dans différentes conditions de marché (positives et négatives).
Informations sur les coûts et les frais liés (article 50 du Règlement 2017/565)
– L’ensemble des coûts et des frais liés (agrégés) facturés par l’entreprise d’investissement ;
– L’ensemble des coûts et des frais liés (agrégés) associés à la production et à la gestion des instruments financiers ;
– Ventilation des coûts par poste sur demande du client ;
– Effet cumulatif des coûts sur le rendement.
Activités de conseil en investissement (articles 52 et 53 du Règlement 2017/565)
– Explications si le conseil fourni est dépendant ou indépendant, en particulier si l’éventail se limite à des instruments financiers émis ou proposés par des entités ayant des liens étroits avec l’entreprise d’investissement ou toute autre relation juridique ou économique, telle qu’une relation contractuelle, présentant le risque de nuire à l’indépendance du conseil fourni ;
– Description des types d’instruments financiers envisagés ;
– Processus de sélection pour évaluer et comparer l’éventail d’instruments financiers disponibles sur le marché ;
– Evaluation périodique de l’adéquation des recommandations (fréquence, portée, mode de communication, etc.).
Au niveau de l’évaluation de l’adéquation et du caractère approprié du service à fournir, la Directive (article 25 MiFID II) ne contient rien de véritablement nouveau par rapport à la pratique des établissements financiers sérieux. Ainsi, l’évaluation de l’adéquation (suitability) doit être effectuée en tenant compte des critères suivants (tant pour un mandat discrétionnaire que de conseil en placements) :
• Les connaissances et l’expérience du client en matière d’investissement et notamment :
o Les types de services, de transactions et d’instruments financiers que le client connaît bien (article 55 § 1 let. a) du Règlement 2017/565) ;
o La nature, le volume et la fréquence des transactions sur des instruments financiers réalisées par le client, ainsi que la longueur de la période durant laquelle il a effectué ces transactions (article 55 § 1 let. b) du Règlement 2017/565) ;
o Le niveau d’éducation et la profession ou, si elle est pertinente, l’ancienne profession du client (article 55 § 1 let. c) Règlement 2017/565) ;
• Ses objectifs et son horizon d’investissement, y compris ses préférences et sa tolérance en matière de risques (articles 54 § 2 let. a) et 54 § 5 Règlement 2017/565) ;
• Sa situation financière (source et importance des revenus, des actifs, y compris liquides, des investissements et des biens immobiliers, ainsi que des engagements financiers normaux) et en particulier sa capacité à subir des pertes (articles 54 § 2 let. b) et 54 § 4 du Règlement 2017/565).
Il appartient au client de fournir au gestionnaire des informations complètes, claires et exactes sur sa situation et d’informer ce dernier de tout changement de circonstances susceptible de modifier ou d’influer sur le profil de risque.
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A relever que des règles spéciales s’appliquent en cas de mandat dit « execution only » (test du caractère approprié, « appropriateness »). Le gérant doit en particulier s’assurer que le client comprenne pleinement les risques inhérents à l’instrument financier choisi, selon son expérience et ses connaissances en la matière (article 25 § 3 MiFID II). Le cas échéant, le gestionnaire informe le client du caractère inapproprié de la transaction décidée. Il en va de même si le gérant ne dispose pas d’informations ou si celles-ci sont insuffisantes pour déterminer les connaissances et l’expérience du client en matière d’investissement.
Articles 25 § 6 MiFID II et 59 et 60 du Règlement 2017/565
En matière de gestion, le gérant adresse au client un relevé périodique (en principe une fois tous les trois mois mais toujours en fonction du type et de la complexité des instruments financiers concernés ainsi que de la nature du service fourni aux clients) des activités entreprises et de la performance du portefeuille pendant la période couverte. Ce rapport contient en particulier :
– Une description du contenu et de la valeur du portefeuille, avec des détails concernant chaque instrument financier détenu, sa valeur de marché, le solde de trésorerie au début et à la fin de la période couverte et les performances du portefeuille durant celle-ci ;
– Les avis d’exécution des ordres ;
– Le montant total des dividendes, intérêts et autres paiements reçus ;
– Une comparaison des performances au cours de la période couverte par le relevé avec le référentiel en matière de performance des investissements ;
– Le montant total des commissions et des frais supportés sur la période couverte, en ventilant par postes au moins les frais de gestion totaux et les coûts totaux associés à l’exécution (une ventilation plus détaillée est possible à la demande du client).
En matière de conseil en placements, le gérant doit aussi donner au client de détail, avant que la transaction ne soit effectuée, une déclaration d’adéquation expliquant les transactions proposées, les risques liés et leur impact sur le portefeuille ainsi que pourquoi les recommandations correspondent aux objectifs, aux préférences et au profil de risque du client. Si l’entreprise d’investissement a exécuté un ordre au nom du client, elle transmet sans délai à celui-ci, sur un support durable, un avis confirmant la bonne exécution de l’ordre ainsi que les informations essentielles.
Pour la gestion discrétionnaire, un rapport attestant de l’adéquation du portefeuille doit aussi être remis périodiquement au client (en général une fois par an).
Article 54 § 11 du Règlement 2017/565
En cas de changement d’investissement (par exemple lors de la vente d’un instrument), le gestionnaire ou conseiller doit recueillir les informations nécessaires et documenter son analyse de sorte à être en mesure de montrer que les avantages du changement sont supérieurs aux coûts.
Article 62 du Règlement 2017/565
Le gestionnaire d’un mandat discrétionnaire aura l’obligation d’informer le client (rapport sur les seuils de perte) lorsque la valeur totale du portefeuille, telle que valorisée au début de chaque période de déclaration, aura baissé de 10 %, au plus tard à la fin du jour ouvrable au cours duquel le seuil a été franchi (et ensuite par seuil de 10%).
Articles 27 § 7 et 8 MiFID II et 12 de la Directive 2017/593
En matière de rétrocessions, lorsque l’on est en présence d’un mandat de gestion ou de conseil « indépendant » (absence de tout conflit d’intérêts potentiel du professionnel), le gérant à l’obligation de restituer au client tous droits, commissions ou autres avantages monétaires ou non monétaires versés par un tiers à l’exception des avantage mineurs « susceptibles d’améliorer la qualité du service fourni » (ils doivent toutefois être clairement signalés au client).
Articles 24 § 9 MiFID II et 11 de la Directive 2017/593
Dans l’hypothèse d’un mandat de conseil en placement « non indépendant », les avantages perçus de tiers peuvent être conservées aux conditions cumulatives suivantes :
– La qualité du service concerné s’en trouve améliorée pour le client ;
– Le conseiller doit toujours agir de manière honnête, équitable et professionnelle au mieux des intérêts du clients.
– Le client est clairement informé de l’existence, de la nature et du montant du paiement ou de l’avantage de façon ex ante et ex post (montant exact).
4. MIFID II ET L’INTÉRÊT POUR LE GÉRANT DE FORTUNE EN SUISSE
La Suisse ne dispose jusqu’à aujourd’hui d’aucune réglementation équivalente à MiFID II. Ce vide sera comblé avec l’entrée en vigueur de la LSFin/LEFin, probablement en 2020, qui introduira des obligations étendues en matière de règles de conduite des prestataires de services financiers. Si les deux textes seront sans doute similaires, ils ne seront pas concordants.
En particulier, MiFID II est beaucoup plus lourd et contraignant que la future LSFin/LEFin. Si l’on peut comprendre que les grandes banques adoptent la Directive par soucis de simplification, la situation est très différente des gérants indépendants qui ne disposent pas de filiales/succursales dans l’Union européenne.
D’un autre côté, on peut se demander si le gestionnaire qui dispose d’une importante clientèle basée sur le territoire de l’Union européenne, ne devrait pas, dans une optique de gestion des risques, mettre en œuvre MiFID II. En effet, à l’ère de l’argent déclaré, le client n’hésitera plus d’assigner (à tout le moins de tenter d’assigner) le gestionnaire en justice dans son pays de résidence sur la base de la Convention de Lugano qui, avouons-le est extrêmement large et incertaine en matière de contrats de consommation.
Il appartient donc à chaque établissement d’évaluer les risques qu’impliquent ou non l’implémentation de MiFID II, et ce en fonction du nombre de clients situés sur le territoire de l’Union européenne, de la masse sous gestion, du type de prestations fournies et du risque d’action en justice, en sachant que ce dernier est bien plus important aujourd’hui qu’il y a 10 ans.
Parfois MiFID II sera même imposée par les partenaires commerciaux du gestionnaire situés sur le territoire de l’Union européenne comme les directions de fonds.
En tout état de cause, les plus gros écueils de MiFID II pour les gestionnaires de fortune suisses sont les rétrocessions (permises en droit suisse à certaines conditions) et les mandats de conseil en placements.
5. MIFID II ET L’INTÉRÊT POUR LE CLIENT
De prime abord, on peut se dire que le grand gagnant de MiFID II est le client qui voit sa protection en tant qu’investisseur largement renforcée.
Oui, mais…
Les clients sont aujourd’hui de plus en plus sophistiqués et disposent généralement d’excellentes connaissances des marchés et des instruments financiers. Hommes d’affaires souvent avertis, ont-ils vraiment besoin d’être traités comme des enfants ? Faut-il réellement leur expliquer la différence entre une action et une obligation ?
Aussi, il y a bien longtemps que la gestion de fortune en Suisse ne se fait plus sur le coin d’une table de cuisine. Notre pays, qui dispose d’une pratique de près de 150 ans dans la fourniture de services financiers (ce que Paris, Francfort et Milan n’ont pas), n’a jamais été touché par des scandales du type « Madoff » et la confiance dans nos banques et autres prestataires est grande.
Par ailleurs, la directive n’apporte pas de véritable révolution sur le fond et la pratique suisse reprend largement MiFID II depuis longtemps. Ainsi, par exemple, en matière de rétrocessions, le gérant doit restituer au client tous les avantages qu’il obtient de tiers dans l’exécution de son mandat. A la différence de MiFID II toutefois, le mandant peut expressément renoncer aux rétrocessions à condition qu’il ait connaissance de leur montant et de leur base de calcul. Il ressort de ce qui précède que l’approche suisse est plus souple sur ce point privilégiant la liberté contractuelle, mais il n’en demeure pas moins qu’il n’y a pas de vide juridique en Suisse comme certains le disent.
Aussi, les établissements sérieux de gestion de fortune, affiliés à un organisme d’autorégulation, ont très généralement souscrit à l’adhésion d’un code de conduite qui reprend notamment les exigences de la Directive en matière d’informations précontractuelles, de suitability et de reporting. Là encore, MiFID II n’apporte aucune révolution.
En revanche, la directive est insoutenable sous l’angle de la charge administrative. En effet, non seulement elle implique la mise en place de nouveaux moyens techniques, mais elle impose surtout un travail bureaucratique extrêmement lourd sur les épaules du gestionnaire. MiFID II semble oublier qu’à l’origine de la relation il y a un rapport de confiance entre le client et son gérant. Demande-t-on à un médecin de justifier par écrit tout le processus intellectuel qui l’a conduit à poser son diagnostic et traiter son patient ? Cela est impossible en termes de frais et de temps. Car il ne faut pas s’y tromper, c’est au final le client qui va payer pour les coûts de mise en place de ce texte sans probablement y voir une amélioration notable.
Reste à espérer que le Parlement suisse ne va pas emboiter le chemin de MiFID II dans sa nouvelle mouture de loi sur les services et les établissements financiers. Car au-delà de la volonté d’harmoniser le droit suisse avec le droit européen, il convient d’être clairvoyant et de reconnaître que l’accès par notre pays aux services financiers sur le territoire de l’Union européenne est totalement compromis en l’état. On l’a encore vu dernièrement avec l’équivalence des bourses accordée à la Suisse pour une durée d’une année seulement, Bruxelles essaie de frapper là où ça fait mal afin d’obtenir un accord institutionnel que les suisses ne veulent sans doute pas. Blocage total donc sur le plan politique, à nous de tirer notre épingle du jeu en adoptant une loi qui allie en finesse protection de l’investisseur et attractivité de notre place financière.
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