Par Lorenzo F. CROCE, avocat aux barreaux de Genève et de Singapour, LL.M., TEP.

Véritable cadeau de Noël de l’Union européenne, le bail-in a fait sa grande entrée, en toute discrétion, le 1er  janvier 2016.

Le principe du bail-in (dit « sauvetage interne » ou spoliation de l’épargnant c’est selon) permet à une banque, en cas de difficultés financières ou de capitalisation inadéquate, de faire participer les créanciers à la résolution du problème, par opposition au bail-out (dit « sauvetage externe ») où ce sont l’Etat et les contribuables qui assument la prise en charge des coûts.

Depuis l’entrée en vigueur de la Directive sur le redressement des banques et la résolution de leurs défaillances en début d’année (Bank Recovery and Resolution Directive (BRRD)), l’un des piliers de la nouvelle Union bancaire, les banques se trouvant dans une situation délicate peuvent ponctionner les comptes de leurs clients afin de compenser les pertes et remettre à niveau l’affaire.

D’abord expérimentée à Chypre en 2013 où les comptes ont été largement siphonnés (jusqu’à 60% au-dessus d’un plafond d’EUR 100’000), la mesure est désormais applicable dans toute l’Union européenne.

La banque sollicitera en priorité les actionnaires et les créanciers détenteurs de dettes subordonnées, suivront ensuite les créanciers seniors, puis les dépôts non garantis des grandes entreprises, puis ceux des PME et enfin ceux des particuliers. Ne seront toutefois pas affectés les dépôts garantis, les obligations sécurisées (« covered bonds »), la rémunération des employés, les passifs liés aux activités vitales de l’établissement et les passifs interbancaires d’une maturité inférieure à 7 jours.

Ainsi, les dépôts bancaires jusqu’à concurrence d’EUR 100’000 ne sont pas soumis au bail-in. Ouf ! On respire ? Pas si sûr… en effet, l’Allemagne a récemment refusé la création d’un fond de garantie européen des dépôts bancaires. Ce sont donc les gouvernements nationaux qui continuent d’assurer la garantie du plafond des EUR 100’000. Morale de l’histoire, mieux vaut ne pas disposer d’un compte bancaire en France !

Quatre banques italiennes ont d’ores et déjà utilisé le bail-in pour un montant total d’environ 4 milliards d’euros. Un retraité qui a perdu EUR 100’000 dans le bail-in s’est d’ailleurs suicidé laissant une lettre incriminant la banque.

Alors, l’épargnant doit-il se préoccuper au plus vite de la solidité financière de sa banque ? La réponse est clairement oui…

Bail-in, les banques peuvent ponctionner les comptes des épargnants.

Assurez-vous de la solidité financière de votre banque !

Aujourd’hui la stratégie planétaire du Quantitative Easing (QE) consiste à créer de la dette à tout va et à contraindre les banques à prêter massivement pour stimuler l’économie et sauver les Etats surendettés. Les taux des prêts bancaires sont au plus bas et ne sont certainement pas compensés à hauteur des risques pris. Par ailleurs, les établissements financiers recourent largement à des investissements hautement spéculatifs pour dégager des revenus pour l’actionnariat et financer les salaires du management.

Avec la crise économique et celle boursière qui semble se profiler à très grands pas, le magnifique château de cartes va sans doute s’effondrer à très moyen terme peut-être même encore plus rapidement que l’on pense, entraînant la faillite des banques dans son sillage. Qui va alors payer les pots cassés ? Jusqu’à présent c’était l’Etat. Dès demain ce sera l’épargnant, soit celui qui place ses économies auprès des banques à un taux astronomique de 0.2% !

Au lieu de traiter le mal à la racine, c’est-à-dire en réduisant la taille des banques, en séparant les activités de dépôt et d’investissement et en augmentant les exigences de fonds propres, c’est l’épargnant qui va jouer les pompiers.

Sans compter qu’en cas de difficultés, les autorités imposent (on l’a vu à Chypre) des restrictions sur les transferts et retraits monétaires des banques pour contenir la panique et une faillite immédiate des établissements financiers.

bail-in

En cas de crise, les retraits sont généralement limités au bancomat.

Quelle est la solution ? Mettre toute sa fortune à l’abri dans le pays qui protège le mieux la propriété privée, ce coffre-fort inviolable qu’est la Suisse ? Eh bien non, cela ne fonctionne pas cette fois…

En effet, en réponse au problème du « too big to fail » d’UBS, la loi sur les banques (voir notamment l’article 31 alinéa 3 LB), complétée par des dispositions spécifiques (Ordonnance de la FINMA sur l’insolvabilité bancaire (OIB), article 50 notamment), a été révisée en 2012 déjà.

Si une banque suisse d’importance systémique (cela concerne aujourd’hui UBS, Crédit Suisse, Banque Cantonale de Zurich, Raiffeisen et PostFinance) connaît de graves difficultés financières, des mesures de stabilisation (recovery) sont engagées dans un premier temps. La banque peut par exemple renoncer à distribuer des dividendes ou céder certaines d’activités. Si ces mesures sont insuffisantes, intervient alors le fameux bail-in. La FINMA ordonne dans ce cas la conversion obligatoire de fonds de tiers en fonds propres (on appelle cela les Contingent Convertibles Bonds (CoCos)) ou une réduction des créances pure et simple.

Hormis quelques exceptions, toutes les créances envers les banques sont concernées. Au moment de la conversion ou de la réduction, la hiérarchie des créanciers doit être respectée et aucune catégorie de ceux-ci ne peut recevoir moins qu’en cas de faillite. Les créances garanties, privilégiées ou compensables sont exclues du bail-in. Les dépôts bancaires privilégiés jusqu’à concurrence de CHF 100’000 ne sont donc pas soumis à la mesure, à l’instar de ce prévoit (théoriquement) le droit européen.

Que faire face aux banksters et à ce vol légal ?

Sachant qu’il est très difficile voire impossible pour un particulier d’évaluer la santé financière de sa banque (peut-on faire confiance aux agences de notation S&P, Moody’s, etc. ?), Onyx & Cie SA préconise comme mesure la plus élémentaire de diversifier son épargne auprès de plusieurs banques et de plusieurs pays, voire même de continents. Il convient d’éviter les établissements bancaires qui présentent des parts importantes de produits dérivés et de prêts immobiliers au bilan.

Dans un second temps, l’achat d’or physique (pouvant être converti en monnaie dans l’éventualité d’une restriction des retraits) et de papiers-valeurs (en-dehors du secteur financier) aisément négociables constitue une bonne démarche.

Détenir une partie de son épargne hors du système bancaire (« sous le matelas ») est également une position à adopter.

Enfin, il est important de se renseigner sur les termes et conditions des comptes de dépôt et d’épargne de même que suivre l’évolution des politiques des gouvernements en la matière.